amour

De senioribus

Par Le 14/07/2021

(...)

Pierre-Eudes d'Orthorix s'emporta soudainement et déclama la prose que voici devant l'assemblée aux cheveux blancs :

« Oui, je m'adresse aux vieillards effrontés : inutile de vous attribuer une image de marque prolétarienne pour flatter votre orgueil croupissant. Le fait étant que vous êtes le fruit d'une époque prospère, durant laquelle on pouvait trouver un emploi du jour au lendemain dans des conditions paisibles ; la concurrence sur le marché du travail n'était pas aussi rude ou sélective, les qualifications exigées étaient souvent rudimentaires et on pouvait encore compter les uns sur les autres. Mais cette époque-là est révolue. Et ce n'est pas le fruit du hasard ni un accident de l'Histoire. Cette période rayonnante est achevée parce que vous n'avez pas voulu faire le nécessaire pour la maintenir ; vous n'avez pas eu le courage de préserver ce modèle de société pour les générations futures.

Vous vous êtes abandonnés aux frasques hédonistes, aux caprices individualistes et au dédain pour l'ordre familial. Vous n'avez pas su pérenniser l'héritage de vos ancêtres ; vous avez piétiné avec hargne la mémoire de votre pays, vous vous êtes détournés du goût pour l'effort pour encenser la concupiscence. Les valeurs morales ont été reniées sans le moindre scrupule, les principes traditionnels bafoués avec cette suffisance lisible jusque dans votre regard, les idéaux collectifs réduits à néant pour satisfaire vos désirs égocentriques. Au milieu des décombres de votre frivolité, vous vous étonnez ainsi de la morosité des plus jeunes ? Vous ne vous contentez pas d'être les initiateurs de ce déclin puisque vous l'encouragez -non sans zèle- à chaque élection.

Vous représentez une part significative de la population et vous le revendiquez pour continuer à nager dans cette débâcle mirifique. Ne donnez aucune leçon à qui que ce soit, cessez de vous gargariser d'un modus vivendi auquel nous ne pouvons croire par votre seule et unique faute. Vous aviez le choix de la prudence, du recul et de l'anticipation ; vous pouviez vous méfier des répercussions de vos turpitudes. Mais le récit de votre vie touche à sa fin. Observateur grisonnants que vous êtes, n'oubliez pas la pâle lueur qui trône sur votre front : l'avenir vous tourne le dos, le chaos jaillira seulement à la face de vos descendants.

C'est une attitude déplorable - cette déloyauté ne cause pas seulement du tort à la jeunesse actuelle. Vos tendances ruineuses compromettent l'équilibre, la stabilité et l'existence même de notre civilisation. Les civilisations meurent souvent à cause de raisons endogènes : on peut se ressaisir après une guerre désastreuse, un épisode de famine ou une occupation étrangère de longue durée. Interrogez-vous sur l'importance de la résilience au lieu de dédaigner les réflexes de survie. Mais quand les Anciens renoncent eux-mêmes à préserver l'édifice de leur société, leur progéniture est en proie à une irréductible subversion. Vous avez vécu dans le moment présent sans vous préoccuper du futur ; nous devrons survivre en nous remémorant notre passé pour corriger vos erreurs. Telle est la tâche qui nous incombe et vous devriez la reconnaître avec humilité. »

 

Il va sans dire que la stupeur emplit les âmes de ces sangsues ridées.

 

Finalement, peut-on reprocher aux jeunes bœufs de ne plus savoir labourer la terre quand nos aînés la désertent pour mastiquer de voluptueuses folies ? 

 

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Comment rebâtir une liaison déchue ?

Par Le 28/11/2019

Comment rebâtir une liaison déchue ?

 

Pourquoi rechigner à la tâche quand nos facultés sont exemplaires ?

 

Pourquoi se désister quand un avenir radieux nous adresse son plus beau sourire ?

 

Nous prenons parfois des décisions que nous nous interdisons d’expliquer, à l’aune de nos plus folles déconvenues… L’esprit et le cœur ne se côtoient qu’avec une extrême parcimonie. Il ne faut pas trop en vouloir à Hector. Ce dernier foule encore le sol de son jardin et plante sa pelle en son sein comme une énorme griffe de lycanthrope. Il se faufile dans son excavation pour déloger quelques vers de terre. Cet homme n’est pas quelqu’un d’anormal en dépit de ses occupations particulières. Les voisins racontent qu’il recherche des bribes méconnues de son passé, des éclats de vérité indicible entre ses arbustes et sa véranda. Ces actions sont planifiées comme d’authentiques rituels ; elles se déroulent en début d’après-midi, chaque samedi. Les nuages souffreteux jettent quelques gouttelettes sur le crâne d’Hector, sans déstabiliser un seul instant ce dernier. Il doit (re)faire connaissance avec son histoire inachevée et inexpliquée. Il pressent ce qu’il doit redécouvrir. Mais il n’ose donner une forme trop précise à l’objet de sa recherche.

 

Ce n’est pas important.

 

L’investissement zélé peut être récompensé par des foules de donateurs secrets, après tout. Hector continue à aplatir les fleurs, à sectionner le chiendent, à fendre les buissons, à éventrer son terrain cadavérique. Les réponses l’appellent sans qu’il ne trouve le moyen de se poser une seule question. Tout se bouscule et s’entrechoque dans sa tête. Mais il faudra s’attribuer une finalité raisonnable. De tels actes ne sauraient se suffire à eux-mêmes et exigent de sévères clarifications. Hector en a encore et toujours conscience. Son épouse regrettée lui communiquait souvent de pareilles admonestations… Avant de rencontrer un épilogue désespérant. Hector conçoit la dimension tragique de cette disparition. Certes, le désamour s’était naguère imposé comme un despote vicieux entre Amandine et lui. Certes, quelques altercations s’étaient produites ! Certes, quelques désaccords avaient eu lieu ! Certes, quelques différends insignifiants avaient brouillé leurs derniers échanges. Tout cela à cause de peccadilles ne méritant pas d’être mentionnées. De telles broutilles n’aboutissant à rien. Non, ces vétilles n’ont aucun rapport avec l’envol d’Amandine vers un ailleurs insaisissable… On le sait et on ne voudrait pas ranimer des souvenirs pénibles, ni ramener à la surface des expériences déplaisantes.

 

Jamais.

 

Hector n’est pas plus irascible que quiconque et exprime seulement le désir de reconquérir son amour perdu. Il voudrait reconstituer son couple aux abois. Est-ce si difficile à comprendre ? Il est temps, oui, de restaurer son union en déshérence avec Amandine. Le tandem crépusculaire de l’hiver ne peut-il pas redevenir l’inséparable binôme du printemps ? Voilà pourquoi il n’est jamais trop tard pour déterrer sa compagne trépassée. Tant que cette dernière manifeste son entier consentement, bien sûr. Hector, après de longues séquences de prospection, butte contre quelque chose de dur sous son gazon effrité.

 

Enfin ! La revoilà.

 

Il se rapproche de son but. Il atteint son bel objectif. Amandine s’ennuie assurément, livrée à elle-même sous ce monticule de boue labourée dans tous les sens. Hector extirpe sa compagne de sa couverture mortuaire comme un délicat croquemort. Il dépose son éternelle dulcinée à proximité de la fosse. Il contemple ce chef-d’œuvre impérissable de la Nature. Oh, Amandine ! Elle conserve la même expression de doux contentement sur son visage. Elle est si décontractée. Plus suave qu’une intarissable fontaine de miel.

 

Inutile de tergiverser : l’heure est à la réconciliation après un ouragan éphémère.

 

(D.U., juin 2019, dernière version le 28/11/2019).

Le don d'Irma

Par Le 25/10/2019

Le don d’Irma

 

 

Irma frétille comme une indomptable anguille ! 

 

C’est une fantastique nécromancienne, une voyante réputée, une oracle prodigieuse ! Oui, je vous l’assure, c’est véridique - Elle tressaille souvent, la vénérable Irma, elle s’agite, elle remue, elle gigote sans s’interrompre. Son amoncellement de cheveux noirs est déjà une attraction touristique : voyez-la donc, se hissant sur ses deux pattes d’oie nerveuse, secouant le crâne lors d’une transe mystique… Voilà une rencontre avec les esprits vagabonds, des âmes déchues, des entités retenues contre leur gré dans ce bas monde. Vous n’y croyez pas, me direz-vous ! Mais ne soyez pas vaniteux, diantre ! Soyez donc « flexibles », laissez-vous tenter par une cuillerée de superstition. Quelques gouttelettes de croyances médiévales dans la bobine vous requinqueraient à une vitesse foudroyante. Irma, quelle dame magistrale ! Quel monument de l’histoire occulte ! Quelle merveille tapie dans la pénombre la plus indicible ! Non, non, vous n’avez rien à craindre. Figurez-vous qu’elle n’était pas si vilaine par le passé, Irma… Certes, ce n’était pas la femme la plus intègre. Ni la plus vertueuse. Elle s’acoquinait avec des aigrefins, elle festoyait avec des des coupe-jarrets, elle hébergeait des resquilleurs. Elle sortait de l’ombre sans crier gare pour taquiner le bourgeois hagard… Elle griffait les mollets des badauds ventripotents… Elle se délectait de ses propres turpitudes, ah, c’est certain ! 

 

Une authentique garce impossible à redresser ! Une affreuse mégère dès les prémices de l’âge mûr ! Entre deux soupes à l’oignon racornis, cette sorcière orpheline s’autorise quelques gourmandises… Des délices confidentiels, certes. Des sucreries inhabituelles. Elle brise les pattes des chats errants, elle renverse les poubelles de ses voisins, elle lacère le menton des argousins. Oui, vous avez raison, cette incantatrice défaille, elle cour-circuite, elle est usée comme un vieux fourneau. Le danger qu’elle représente ? Je n’en sais trop rien. Eloignez vos enfants, vos aînés, vos rats de compagnies, vos bicyclettes, vos badges d’employé industrieux…. Déguerpissez avant qu’elle ne vous transporte dans sa marmite bouillonnante… Irma concocte des élixirs de jeunesse éternelle, elle fabrique des filtres pour s’énamourer, elle maîtrise des recettes tonitruantes avec des fragments du Graal… Elle n’est pas si insensée, dans le fond d’elle-même, il existe des résidus de lucidité qui ressurgissent lors d’un bref moment… Peut-être le matin après une longue nuit de sommeil… Peut-être en soirée après un repas enduit de glaire de crapaud… Je sais que vous ne vous régaleriez pas… Que vous dégurgiteriez sur vos propres godasses cette abomination…. 

 

Vous savez, j’ai peut-être pu aimer cette femme martyrisée par la folie d’une époque anarchique… Oui, oui, je flaire votre désappointement… Enfin, il s’agissait d’une attirance très platonique… Ou comme une relation fusionnelle entre une sœur et un frère… Une amitié d’une valeur incalculable… Une communion baroque, en bref. Evidemment, l’hymen avait été célébré dans les secrets impénétrables de la verdure, dans une clairière isolée du monde, ou dans les abysses d’une grotte propice à l’érémitisme. Croyez-le ou non, mais les moineaux gazouillaient à la façon d’un orchestre hors du commun. Les marcassins sortaient de leurs buissons pour nous contempler, des louveteaux nous reniflaient les semelles, des cerfs nous adressaient leurs compliments avec leur plus beau regard. Une vaste songerie, vous dis-je, car je ne sais plus démêler le vrai du faux… J’ai peut-être été ensorcelé par cette magicienne déséquilibrée, voilà tout. J’ai enduré un superbe envoûtement de la part de cette furie exaltée… Néanmoins, je ne veux pas être catégorique. Je pense que tout n’est pas perdu, entre elle et moi… Qu’en pensez-vous ? Elle n’est pas plus revêche qu’une belle-mère… Elle se soigne avec des produits naturels… Elle coupe parfois ses ongles cramoisis.. Attendez, je ne voulais pas non plus vous angoisser… J’ai couvert d’opprobre ma fiancée abandonnée des Dieux, possédée par les démons qu’elle s’imagine combattre…. Non, ne partez pas. Pas tout de suite. Je sais que je dois vous paraitre complètement dérangé. Chacun son tour, ah, ah ! On pourrait penser que je me relaie avec cette fille des mondes interlopes. Comprenez-moi, je ne voudrais pas non plus être injuste. La rupture avec cette bourrelle de naïades est inachevée, à vrai dire. Je mesure votre déroutement : vous pouvez vous rassurer. 

 

J’ai été contaminé par les soudards imbus de leur personne s’attribuant des mérites fantomatiques. Des citoyens splendides, sans peine ni reproche, qui nous sculptent avec leurs bras de fée la société de demain. Eh ! A chacun sa religion ! Voyez notre avant-garde éclairée, ces régiments d’élite plus fragiles qu’un monceau de perles. Irma ne sourit jamais, elle n’aime pas exprimer ce qui la tourmente, elle ne sait que trop bien l’indifférence de nos semblables… Et leur dédain, et leurs médisances, et leur  orgueil tragi-comique ! Eh, ôtez-vous donc de mon chemin ! Irma, tu peux sortir de ta cachette saupoudrée de lichen… Tu peux quitter ta souche éventrée… Tu peux te retirer de ta caverne préhistorique… Et si je t’aimais encore, hein ? Et si la passion ne s’était pas évaporée entre nous ? Et si nous voulions encore nous enlacer avant la fin immanquable ? Irma ? M’entends-tu ? J’aurais dû le savoir, Irma… Je n’aurais pas dû m’éclipser pour fuir ta présence sauvage… Laisse-moi t’adresser un ultime salut de gentleman, Irma… Adossée contre un chêne, Irma s’est endormie à tout jamais… Elle connait désormais le repos de l’éternité. Tu étais la boussole de ma vie aux abois, la carte de mon cœur palpitant, la beauté distinguée au sein des fourrées… Mon repoussoir adoré, mon épouvantail incompris, ma monstruosité favorite. Je sais que tu ne m’oublieras pas, ma chère diablesse, et nous nous retrouverons dans une meilleure contrée - Jusqu’au déchirement de l’univers entier, jusqu’à l’affaissement de la Terre, jusqu’à l’engloutissement de tout et de rien. Et même au-delà.

 

En m’attendant, ô ténébreuse Irma… Repose-toi du mieux que tu le peux. 

 

 

D.U.

(Mai 2019)

Goûtez ma pièce de théâtre !

Par Le 11/09/2019

Chers internautes peu ou prou anonymes,

Je suis heureux de vous annoncer que ma pièce de théâtre -intitulée Un désamour cuisant- est disponible ! Voilà un jour très glorieux au cours de mon existence. Et il va sans dire que je veillerai à m'en souvenir (ou pas du tout ! mais ne nous attardons pas sur mes impressions personnelles). Embarquez-vous sans plus attendre dans les tourments de la malheureuse Irène. Et n'hésitez pas à exprimer votre opinion, même la plus accablante. Commentez mon travail sans détour une fois sa lecture achevée - ne soyez pas pudibonds, révélez-moi le fond de vos pensées les plus musclées. Je serai tout ouïe comme un élève devant sa charmante institutrice. 

Si vous voulez vous procurer mon livre, veuillez cliquer sur un de ces liens en toute allégresse :

 

- Depuis le site de mon éditeur - 

https://edilivre.com/un-desamour-cuisant-2c62533b15.html/

 

- Si vous préférez l'obtenir via Amazon -

https://www.amazon.fr/d%C3%A9samour-cuisant-Dimitri-Ustyanowski/dp/2414386282

 

- Ou depuis le site de la Fnac -

https://livre.fnac.com/a13847123/Dimitri-Ustyanowski-Un-desamour-cuisant

 

- En tant que fainéasse incurable, je recopie avec effronterie mon propre résumé -

Irène est une demoiselle éplorée. Depuis le décès accidentel de son compagnon, la jeune femme est rongée par un sentiment de culpabilité et s'avère tout bonnement inconsolable, au grand désarroi de son père, qui l'incite à tourner la page de cette épreuve pénible. Or, Marcienne, l'intraitable mère d'Irène, ne l'entend pas de cette oreille : soupçonnant sa fille d'avoir joué un rôle inavouable dans la mort de son fiancé, l'innocence de celle-ci est-elle bien une chose acquise ? Quel sera le sort d'Irène ? Les soupçons grandissants de sa mère sont-ils fondés, ou reflètent-ils seulement sa jalousie obsessionnelle ?

 

Je vous souhaite une excellente dégustation.

...

Naturellement.

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