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psychologie

Une fuite initiatique

Par Le 01/11/2020

Je me trouve dans un train figé sur les rails ; les autres voyageurs et moi-mêmes sommes contraints de descendre sur le quai en raison d'une anomalie technique. Une fois à l'extérieur du wagon, je ne rencontre quasiment personne dans la gare. Seul un gigantesque entassement de bagages en tout genre se dresse sur mon chemin. Une femme blonde au regard sévère se hâte de me rejoindre. Il s'agit d'un agent du réseau ferroviaire. Celle-ci m'enjoint à me séparer de mon sac à dos ; j'éconduis sèchement cette harpie friande d'absurdités. Cette dernière tient ensuite des propos injurieux avant de se distinguer par une succession de rires narquois. Je lui signifie que je désapprouve son effronterie ; sous son chapeau violacé, l'étrange femme se crispe encore davantage et m'accuse de lui vouer un mépris sans pareil. Je décide de me précipiter vers elle pour l'effrayer ; elle ne réagit guère. Dans un dernier geste précédant ma fuite, je me retrouve à la bousculer comme un sauvageon. Après une évacuation de la gare déserte au pas de course, je poursuis mon chemin vers l'entrée d'un collège depuis lequel s'étalent des hordes d'adolescents complètement amorphes. Une autoroute se trouve en face de cet établissement de forme rectangulaire et s'allongeant sur plusieurs kilomètres ; il me vient l'idée de dérober une automobile pour quitter ce secteur. Mais je ne perçois aucun véhicule stationné et des officiers de police rôdent dans les environs. Je préfère me dissimuler entre quelques buissons jouxtant la chaussée avant de reprendre le fil de mon aventure à pieds. Je me hisse sur une butte verdoyante que je dévale aussitôt pour atterrir au milieu d'un parking. D'immonbrables véhicules sont garés dans cet espace s'étendant à perte de vue.
 

Mais je n'ai plus l'intention de m'emparer d'une voiture. En revanche, je constate la présence d'un jeune couple qui s'enlace dans une automobile assez imposante de marque inconnue. Je frappe la vitre du coffre avec férocité pour les effrayer ; le couple est tétanisé. Surtout le jeune homme qui se colle sur son siège avec des yeux écarquillés. Sa compagne redevient vite sereine, et son jeune ami la suit dans cette attitude. Je reprends donc mon expédition. Quelques mètres suffisent pour déboucher sur un nouvel environnement ; je fais irruption dans un vaste campus grouillant d'étudiants flâneurs et d'enseignants accourant dans tous les sens avec des dossiers sous les bras. Ces derniers sont vêtus de manière désuète, avec une vieille chemise brunâtre et une longue cravate grise. Leur regard est emprisonné derrière des lunettes noires d'une taille monstrueuse. Je me faufile à travers un portail entrouvert ; ensuite, je contourne par la gauche un immense bâtiment calqué sur l'architecture néo-classique. Les lieux sont parsemés de décors végétaux, de fontaines lumineuses et de statues antiques s'exhibant avec orgueil. Je ne suis guère surpris de devoir éviter un personnage qui surgit depuis une trappe : c'est un grand métis très svelte qui porte les mêmes vêtements archaïques que le corps enseignant de cette université. Nous nous esquivons tant bien que mal ; au-dessus de ces longues échasses tourmentées, je finis par observer un visage très semblable à celui de Barack Obama (?!). Chacun part de son côté.

Je commence à sentir des difficultés croissantes pour m'avancer ; j'entreprends une ascension en terrain escarpé. Je grimpe même sur une montagne d'une envergure colossale. Je surplombe toute la région depuis son sommet ; des cultures en terrasses sont aménagées sur le flanc de cette proéminence naturelle. Le paysage en haute altitude est cependant très sec et certaines zones ne comportent que des couches de sable sans la moindre trace de végétation. En revanche, les territoires visibles en contre-bas sont luxuriants et préservés du fléau de l'urbanisation. Culminant sur cet espèce de Mont Sinaï, je découvre une cabane à quelques mètres de moi qui s'appuie sur une paroie de roche volcanique. Je pénètre dans ce refuge grossier pour reprendre mes forces. L'intérieur est composé d'un mobilier suranné, d'un tapis usé et d'un vieux lit dans un état correct. Je m'allonge sur ce dernier et je me laisse absorber par le plafond baignant dans la pénombre. La pièce, en effet, ne comporte que deux fenêtres minuscules. J'entends d'étranges grincements. Comme une âme égarée qui trotterait dans le labyrinthe de mon cerveau. Je connais cette entité immatérielle : il s'agit de ma voix intérieure.
 

Ma seconde conscience est plus stricte que je ne le suis. Mais celle-ci est dotée de pouvoirs surnaturels qui me font défaut. Je lui demande de me venir en aide pour effacer l'ardoise de mes agissements transgressifs de ce jour. Cet Autre Moi semble hésiter avant de considérer ma requête. Il me prévient toutefois qu'il n'est pas en capacité de me faire remonter le temps, qu'il ne saurait remanier le passé à ma guise. Toujours allongé sur le lit, j'essaye de mieux comprendre le sens de sa démarche. Ma seconde conscience explique que j'apparaitrai désormais comme une figure onirique angoissante dans l'esprit de ceux que j'ai oppressé : leur mémoire altérée de la sorte ne leur permettra guère de me croire réel. Réduit à l'état d'illusion cauchemardesque, je n'en reste pas moi-même un être de chair et de sang : il m'est vivement recommandé de ne plus jamais revoir ces victimes m'assimilant à un produit de leur imagination lors d'un mauvais rêve...
 

Car je prendrais le risque de briser le charme de cette duperie paranormale.